DEUX HISTOIRES DE FANTÔMES POUR HALLOWEEN

DEUX HISTOIRES DE FANTÔMES POUR HALLOWEEN

On entend souvent dire qu’un défunt qui se manifeste est une âme errante et tourmentée. Que cette âme a quelque chose d’inachevé dans le monde des vivants… C’est parfois le cas. Et parfois pas.

Mais plutôt qu’un long discours, et puisque l’heure d’Halloween a sonné, que diriez-vous de deux histoires autour de fantômes qui semblent rester ici sans même un tourment à apaiser ?

Allez chercher les friandises et tamisez les lumières, ne craignez pas de lire ces deux histoires dans le noir : ces fantômes-là sont bien moins effrayants que vos costumes ce soir.

Maxime

Luc, le fils de Dany, avait six ans la première fois qu’il l’avait mentionné. C’était quelques semaines après qu’ils avaient emménagé dans cette nouvelle maison.

« Maman, il y a un monsieur avec un grand chapeau qui vient de traverser le salon. »

Dany était alors dans une autre pièce. Les enfants imaginaient tant de choses à cet âge que la jeune femme se contenta de sourire sans prêter attention à ce qui lui semblait être un simple jeu.

Sarah, elle, n’était pas une enfant. C’était une amie de Dany qui dormait sur son canapé depuis sa séparation, le temps de trouver un appartement bien à elle. Quelques semaines après l’annonce du jeune Luc — dont elle n’avait pas eu connaissance, Sarah raconta qu’un homme blond flanqué d’un chapeau descendait parfois l’escalier du salon aux premières lueurs de l’aube.

Puis une nuit, ce fut Dany qui fit un rêve : un homme triait des fruits dans sa maison à l’emplacement du canapé dans lequel dormait Sarah. Mais dans ce rêve, le salon n’était plus le sien. Les murs avait changé, comme si la maison avait fait un bond de plusieurs décennies en arrière. Le sofa avait disparu. Et l’homme se trouvait là, regardant brièvement Dany avant de reprendre son travail, dans un décor fait de sacs en jute, de cagettes, de vieux outils de jardin et d’alliacées qui séchaient là. Et une Citroën des années 60 était garée dehors (une Ami 6).

A son réveil, Dany réalisa que l’homme du rêve ressemblait à celui décrit par son fils Luc et par son amie Sarah. Cependant, elle pensait ce songe purement psychologique, influencé par leurs récits.
Le cimetière du village fit tomber cette certitude quand, lors d’une balade, Luc trouva la tombe du mystérieux fantôme par le plus grand des hasards. Il la désigna aussitôt aux autres qui l’avaient suivi :

« Le monsieur, là, en photo ! C’était lui dans le salon. »

Plus bas, l’inscription de la pierre tombale mentionnait : « Maxime Ratel, 1914 -1988 ».
Stupéfait, chacun des trois reconnut l’homme à la fois du salon, de l’escalier et du rêve.

Dany interrogea alors les anciens du quartier et tout devint limpide. Célibataire endurci, Maxime Ratel était l’ultime descendant d’une lignée de fermiers qui s’était éteinte avec lui. Les archives municipales conservaient une photo de conscrits sur laquelle il posait fièrement avec son galurin. Et en effet, la maison de la jeune femme était bel et bien sa ferme autrefois.

Dany se questionna. Ce défunt avait-il besoin d’aide ? Et pourquoi se montrait-il sans jamais communiquer ?

Feu Maxime Ratel répondit lui-même à cette question de manière très inattendue, le jour où un illuminé suggéra à Dany de fouiller la cave en terre battue. Il pensait que le défunt avait pu y cacher quelques Louis d’or. Qu’il revenait soi-disant les chercher inlassablement, sans réaliser qu’il était décédé.

Dany trouva l’idée totalement absurde. Apparemment, elle n’était pas la seule car le défunt Maxime Ratel se montra soudain et leva le voile dans un rire franc et chaleureux : Il n’avait ni travail inachevé, ni trésor enterré. Il aimait simplement sa maison, et il y revenait de temps en temps.

Et en effet, durant quelques années et jusqu’au moment de partir, Dany et son fils Luc cohabitèrent dans la plus grande discrétion avec Maxime qui, le jour de leur déménagement, vint leur dire au revoir.
Au revoir mais sûrement pas adieu, puisqu’ils emménagèrent de nouveau dans le même quartier.

Il y a des fantômes qu’on finit par apprivoiser. On pourrait penser que Maxime en faisait partie. Mais il semble que ce soit lui qui ait apprivoisé ses co-locataires, le temps de les regarder vivre et de savoir s’il avait envie ou non de leur parler.

Maxime n’était pas le seul fantôme à observer les vivants. Et celui de ma deuxième histoire se montrait beaucoup moins discret…

La dame au gilet blanc

C’est quelques semaines après la mort de Paul, un voisin de Manon, que la dame au gilet blanc est apparue dans la vie de cette photographe. Très précisément après le rachat de la maison du défunt par un jeune couple : Julie et Olivier.

La dame au gilet blanc apparut d’abord à Manon dans un rêve. Elle se tenait derrière la porte vitrée de la maison de Paul, regardant fixement la photographe. La pièce dans la pénombre ne laissait deviner qu’une vague silhouette féminine, trop vague pour reconnaitre qui que ce soit. Mais comme plus personne n’habitait là depuis un an, Manon avait logiquement pensé qu’il s’agissait de Julie, la nouvelle propriétaire.
Le rêve commença à effrayer la photographe quand la dame eut traversé la porte sans l’ouvrir pour s’approcher d’elle : il ne s’agissait clairement pas de Julie. La dame en question avait tout d’une morte.

A présent qu’elle était sortie de la pénombre, Manon pouvait voir qu’elle portait une robe jaune ceinturée à la taille et évasée jusque sous le genou, comme les modèles d’après-guerre. Un gilet blanc tenait sur ses épaules, posé comme une étole, sans qu’elle en ait enfilé les manches.

Manon ne se doutait pas que son réveil serait encore plus brutal que son rêve étrange.

Alors qu’elle sortait du sommeil, elle sentit que quelqu’un était assis sur son lit, à hauteur de ses cuisses, son poids tirant sur le drap. Ouvrir les yeux ? Jamais de la vie ! Mais les laisser fermer sans savoir qui était là ni ce qui pourrait bien arriver… Brr !

« Allez ! Courage ma vieille ! Essaye au moins de les entrouvrir juste un peu », se dicta-t-elle intérieurement.

Elle entrouvrit prudemment les yeux. Juste assez pour voir que c’était bien elle sur son lit : la dame au gilet blanc ! Elle décida de refermer les yeux, espérant que sa visiteuse n’ait pas vu qu’elle feignait le sommeil. La défunte se leva alors pour quitter la pièce. Sans doute avait-elle compris qu’elle effrayait Manon ?

Quelques semaines plus tard, la photographe venait de signer pour un projet artistique, pour lequel elle cherchait certains objets anciens. Alors qu’Olivier entamait les travaux dans l’ancienne propriété de Paul, il décida d’offrir quelque chose à la photographe.

« Manon ! Regarde ce que j’ai trouvé en abattant la vieille cabane de jardin ! J’ai immédiatement pensé à toi. Tiens ! »

Il s’agissait de vieux bibelots et de cadres de différentes époques, oubliés là par Paul et recouverts de terre, de poussière et de vieilles toiles d’araignées.

« — Merci. C’est étrange que tu aies pensé à moi.
— Oui. C’est vrai, ça ne colle pas du tout à ton univers, mais je ne sais pas pourquoi, ça m’a semblé évident… Il fallait que je te les apporte.
— T’inquiète, ils vont me servir ! Figure-toi que j’ai un projet avec ce type d’objet, mais tu ne pouvais pas le savoir, je n’en ai encore parlé à personne.
— Je reconnais que c’est bizarre. Peut-être qu’on m’a glissé dans l’oreille de t’apporter ces vieilleries ! »

Ils en rirent mais… Et si ce n’était pas si saugrenu ?
Si la dame au gilet blanc était derrière tout ça ?
Et si, pour une raison que Manon ne comprenait pas encore, ces objets étaient une manière moins brutale d’amorcer une discussion que de s’asseoir sur son lit ?

Elle décida d’en parler à Suzanne, une amie cartomancienne. Les trucs bizarres, c’était son fer de lance. Bien plus que celui de Manon. Et puis, Suzanne était ravie de dégainer ses cartes en toute occasion.

« Mon deck est sans équivoque. C’était bien une défunte, tu n’es pas folle. La Dame de cœur, c’est la mère de Paul. Voyons voir ce qu’elle te veut. »

Suzanne battait les cartes avant d’en tirer trois du paquet du Jeu de 52 qu’elle adorait par dessus tout.

« Ça parle d’un homme qui rénove une maison. Ta bonne femme a l’air contente que la maison reprenne vie. Mais dis voir, ton Olivier, il l’a déjà rachetée, la baraque ? Parce que j’ai un contrat en rapport à l’immobilier qui sort, une signature à venir. Pas quelque chose de passé.

— Oliv’ et Julie ont déjà tout signé. Mais en quoi ça me concerne que ces deux-là rénovent la baraque et qu’elle en soit heureuse ? Je n’ai rien à voir là-dedans !

— Je ne sais pas. Par contre, les objets ne sont pas dus au hasard. Tu en avais besoin et elle te les apporte sur un plateau ! Tu sais combien ça t’aurait coûté en brocante ? »

Suzanne pensait que la dame au gilet se servait des objets comme d’un calumet de la paix pour indiquer à Manon qu’elle n’avait pas voulu lui faire peur. Bien au contraire. Ce qui ne résolvait pas le mystère : que lui voulait-elle ?

« As de pique, encore ! Toujours ce contrat en lien avec la maison !

— Laisse tomber, on finira bien par comprendre un jour. »

Ce jour, ce fut quatre mois plus tard, quand ses propriétaires demandèrent à la voir. De gros problèmes financiers les contraignaient à mettre en vente l’appartement que Manon occupait, lui imposant de partir à l’échéance du bail.

La photographe avait six mois pour trouver autre chose. Durant ses recherches, elle avait souvent la sensation qu’on la regardait derrière les carreaux de la maison de Paul. Mais elle n’y prêtait pas attention. Elle avait franchement d’autres chats à fouetter.

C’est lors d’un repas de quartier que Manon annonça à Julie, Olivier et les autres voisins qu’elle allait devoir s’en aller.

« Mais tu ne voudrais pas rester ? Tu t’entends bien avec tout le monde, tu as tes habitudes. Oliv’ et moi, on va faire des appartements locatifs dans la maison de Paul, c’est trop grand pour nous deux et on a déja commencé les travaux. Si nos conditions et les tiennes sont compatibles, bien entendu… »

— Vous allez louer ? Sérieusement ? Julie, tu rigoles ? Bien sûr que oui ça m’intéresse. La maison est tellement belle ! »

L’As de pique sur la maison, le contrat futur. C’était ça.

C’est ainsi que la photographe déposa quelques mois plus tard ses cartons chez Paul, et bien sûr, les objets de la dame au gilet blanc. Même si elle n’en avait plus l’utilité. Ils appartenaient aux murs et c’est peut-être elle un jour qui permettrait que quelqu’un d’autre les trouvent. Après tout, les maisons ne nous appartiennent pas, c’est nous qui leur appartenons le temps de notre passage sur Terre avant que d’autres prennent notre suite dans leurs murs.

La dame au gilet blanc est un exemple de plus que les fantômes ne trimbalent pas forcément des tourments. Nous, Vivants, avons la prétention de croire que nous pouvons les aider, mais ce sont parfois eux nos médiateurs.

Ces deux histoires sont-elles vraies ? Ai-je changé les noms ? Romancé les faits ? Sont-elles totalement inventées ? Je vous laisse en juger. Je dois maintenant prendre congé. Des petits monstres déguisés attendent que je leur distribue des bonbons, derrière la porte vitrée de mon nouvel appartement.

newsletter

— L'autre côté —

La newsletter qui vous fait découvrir le sensible en toute transparence.

En filigrane ne vendra pas votre email. Désabonnement en un clic.

A voir aussi

octobre 8, 2025
tirage de cartes avec la carte de la Mort en principal

La Mort dans un tirage : spoiler, on y survit

Chaque semaine, je me fais un tirage, généralement le week-end. Principalement comme routine d’entrainement, ça ne m’intéresse pas tant que ça de connaître mon propre avenir […]
août 20, 2025
fenêtre d'un spot d'exploration abandonné urbex

L’appel du fantôme sous les toits

Seilide. C’est son nom dans le milieu de l’urbex. Un château dont on devine encore les heures de gloire malgré l’abandon. Vieux de huit siècles, il […]

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

DEUX HISTOIRES DE FANTÔMES POUR HALLOWEEN
Ce site utilise des 🍪 pour analyser son efficacité et comprendre tes besoins, te proposant parfois du contenu de qualité ou de la publicité. En utilisant ce site Web, tu acceptes notre politique de protection des données.
Lire plus